Les Amis des Mées
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La Fontaine de la République.

Construction

Au printemps 1911 s'était constitué un comité composé de nombreuses personnalités politiques du département, afin d'ériger «un monument commémoratif de la résistance des Républicains des Basses-Alpes au coup d'Etat de décembre 1851 ». Ce comité était présidé par le député Joseph REINACH, et avait lancé un appel aux communes « qui peuvent avoir des titres à voir s'élever sur leur terroir le monument ». Deux communes se portent candidates: Manosque et Les Mées. Elles justifient leur démarche par un court mémoire rédigé par leur maire.
Manosque fait valoir qu'elle est la ville qui a eu le plus de personnes condamnées et souligne :
«l'action vigoureuse des manosquins (…). Sans méconnaître, ni vouloir diminuer en rien la part glorieuse qui dans ce dévouement à la cause du droit, revient à différentes cités de notre département, nous espérons qu'il vous plaira de reconnaître, avec nous le rôle exceptionnel qui appartient à notre ville. Aussi sollicitons-nous, pour l'érection d'un monument commémoratif votre préférence en faveur de Manosque, car elle imprima à la lutte de décembre 1851 un élan aussi énergique qu'indiscuté ».
(Mémoire de la Ville de Manosque par Emile EYRIES, maire, dans le journal des Basses-Alpes. 20août 1911).

Les Mées met en avant, que le 9 décembre 1851 :
« ce jour-là, les républicains eurent raison des troupes du dictateur (...) Les Mées a fourni son large contingent de victimes. (...) Pour ces raisons, la ville des Mées croit avoir le droit de revendiquer l'honneur de voir élever dans son sein le monument que vous vous proposez d'ériger ».
(Mémoire de la Ville des Mées, par Jean SAVIN, maire, dans te journal des Basses-Alpes. 20 août 1911).

Le monument serait en grande partie financé par une souscription publique et le Sous-Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts s'était engagé auprès de Joseph REINACH de faire don d'un buste de la République ; œuvre du sculpteur INJALBERT. Le comité avait demandé a ses membres de choisir par vote entre Manosque et Les Mées. Dans la séance du comité du 18 septembre 1911, le dépouillement donne 56 voix à la ville des Mées contre 17 à celle de Manosque. Le Conseil Municipal des Mées « adresse ses plus vifs remerciements à Messieurs les membres du comité qui ont su reconnaître les droits de la ville des Mées ».
(Délibération du Conseil Municipal des Mées, 10octobre 1911).

Il verse cinq cents francs pour la souscription et « se réserve de désigner l'emplacement où sera élevé le monument dans une séance ultérieure ».
(Délibération du Conseil Municipal des Mées, 10 octobre 1911).

Le conseil municipal pense d'abord installer le monument «sur la partie agrandie de la Place Neuve »
(Délibération du Conseil Municipal des Mées. 21juillet 1912).

En effet, quelques années auparavant en reculant le mur et en utilisant une partie du jardin du collège, la place avait gagnée en surface. Mais de l'avis du conseil, cela sera « une gène les jours de foire ».
(Délibération du Conseil Municipal des Mées. 21juillet 1912).

Il est donc décidé d'ériger le monument sur le boulevard de la Combe. Mais il faudra demander à «M. MONGES, ingénieur des Ponts et Chaussées à Sisteron, son avis autorisé sur le point de savoir si le monument doit être placé à l'intersection du chemin d'intérêt communal n° 24 (boulevard de la Combe) ou s'il convient au contraire de le placer un peu au-dessus ou au-dessous du croisement des dits chemins, mais toujours sur le boulevard de la Combe ». L'ingénieur des Ponts et Chaussées préconise de le placer à l'intersection du chemin d'intérêt communal n° 24 et du chemin de grande communication n° 4. Le monument sera donc élevé à cet endroit. La construction s'étale sur l'année 1913, et ce sera une fontaine.

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Inauguration

Le 27 août 1913 le Conseil Municipal décide que la Place Neuve prendra le nom de place de la République. La date d'inauguration du monument est fixée au jeudi 4 septembre 1913. Date symbole, le 4 septembre est l'anniversaire de la capitulation de Napoléon III à Sedan et la fin du Second Empire (1870). Toutes les personnalités politiques et administratives du département sont conviées à cette fête. Est aussi convié François BARBARIN, âgé de 83 ans, un des derniers insurgés condamnés encore en vie et valide, qui malgré son âge, «se fait un devoir d'être présent à cette belle fête républicaine»
(Lettre réponse de François BARBARIN du 22 août 1913. Archives Municipales. Les Mées).

Il aura ce jour là une place primordiale, car il sera nommé Chevalier de la Légion d'Honneur. L'invité d'honneur, est le sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts Léon BERARD.

Des trains spéciaux sont mis en service de Digne à Malijai et de Manosque à Peyruis. Léon BERARD était arrivé à Digne « en automobile » la veille, mercredi 3 septembre où il avait été accueilli par le maire, le Docteur Charles ROMIEU qui lui dit: «notre population, Monsieur le Ministre, est calme et pondérée, réfléchie, elle juge la politique à ses résultats, mais elle est fermement républicaine. Les orateurs que vous entendrez demain aux Mées, vous raconteront mieux que je ne saurais le faire la lutte que les Bas-Alpins ont soutenue en 1851, alors qu'un coup de force venait de renverser la République : 10 000 Bas-Alpins se soulevèrent comme un seul homme contre le gouvernement issu d'un crime. Ils furent vaincus, mais leur foi républicaine demeurera vibrante et agissante (...). Les vieux lutteurs de 1851 ont presque tous disparu : SOUSTRE, BOUTEILLE, et tant d'autres, mais leurs successeurs ont fidèlement suivi leurs exemples et recueillis leurs traditions. Ce sont les fils et petits fils des hommes de 1851 qui nous reçoivent aujourd'hui.»
(Dans le Journal des Basses-Alpes du 7 septembre 1913).

Et le lendemain, 4 septembre, vers 10 heures tout ce beau monde se retrouve aux Mées. «Notre coquette cité était en grande liesse. Il était de toute justice que le sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts vienne lui même inaugurer le gracieux monument dont notre ville s'honore et que nous envient les plus opulentes communes du département: Digne, Manosque, etc. ... D'accord avec la municipalité, toujours prête pour les belles choses, le Comité d'Organisation n'avait rien négligé pour donner à notre cité un air de grande fête et la préparer à recevoir dignement le représentant de la République. Les oriflammes, banderoles et drapeaux, multipliés avec goût, mariaient suavement leurs riches couleurs sous la voûte verdoyante de nos platanes et faisaient de nos avenues des arcs de triomphe du plus bel effet. C'est au milieu de ce décor ravissant et après avoir reçu les compliments et les fleurs de trois jeunes filles élégamment parées, aux couleurs nationales, que M. Léon BERARD fait son entrée dans la ville. Le ministre est accompagné de MM. MICHEL et PERCHOT, sénateurs; REINACH, DELONCLE, ANDRIEUX et HONNORAT, députés ; du Préfet des Basses-Alpes; des sous-préfets et conseillers de préfecture, des chefs de service du département, etc... Une foule considérable venue de tous les points du département acclame le Ministre. Le cortège officiel précédé de la Maréchaussée, de la musique du 55 ème de ligne, de la Lyre des Alpes, et de l'Espérance Bas-Alpine, va directement à la mairie où M. L. VEYAN, adjoint au maire, présente le conseil municipal et offre un vin d'honneur. »

« On se rend ensuite Place de la République où une élégante tribune est dressée. Tout le monde officiel y prend place et bientôt le monument commémoratif édifié au tertre du vaste quadrilatère apparaît dégagé de tout voile. Il est de très bon goût, disent les gens qui paraissent s'y entendre. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement! Ce qui nous vient de Paris ne peut-être que l'expression artistique de la distinction et de l'élégance. Des applaudissements éclatent nourris et prolongés; les musiques jouent l'hymne national. Le silence se fait. Notre député prenant alors la parole au nom du Comité de Souscription, fait don à la Ville des Mées, du monument commémoratif. M. VEYAN lui répond et tout de suite s'engage une joute oratoire qui ne prend fin qu'à une heure de l'après-midi. Ces nombreux discours ont été écoutés par la foule avec, allions nous dire, une religieuse attention. La place nous manque pour les citations; qu'il nous suffise de dire que les orateurs chantèrent à tour de rôle les gloires de nos vaillants compatriotes qui, en 1851, exposèrent leur vie pour défendre la République contre le Coup d'Etat Napoléonien. C'est alors le tour des décorations qui vont fleurir la boutonnière des heureux élus »
(Dans le Bulletin Paroissial des Mées d'octobre 1913).
Chevalier de la Légion d'Honneur pour François BARBARIN, Officiers d'Académie pour neuf personnes, et Chevalier du Mérite Agricole pour trois personnes.

«Après une bonne visite à l'hôpital, le cortège officiel se rend à la confiserie VEYAN (actuellement Garage GIRAUD)  où un banquet de 300 couverts est servi par nôtre sympathique VATEL, M. BARRAS. Pendant le dîner, l'excellente musique du 55 ème exécute avec brio les plus beaux morceaux de son riche répertoire. Au dessert, M. le Préfet, MM. HONNORAT, REINACH et MICHEL prennent la parole tour à tour. Un brillant feu d'artifice et l'ascension parfaitement réussie d'une montgolfière continuèrent cette fête inoubliable et la joie de notre population républicaine n'a cessé de se manifester trois jours durant jusqu a une heure très avancée de la nuit.»
(Dans le Bulletin Paroissial des Mées d'octobre 1913).

Après la journée officielle, ministérielle, du jeudi 4 septembre, les festivités continuent encore. Vendredi avec un déjeuner champêtre à la Beaume sous les rochers, un concert par la musique militaire; l'après-midi, jeux divers et le soir concert avec l'Espérance Bas-Alpine. Samedi matin, concours de tir à la cible, l'après-midi, concours de boules.

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La Fontaine – Le Monument

Après son inauguration, la fontaine de la République, au centre de la place, est devenu un des lieux importants du village. De nombreuses cartes postales la représentent, avec souvent des personnes à son entour.

La fontaine qui donnait de l'eau par ses quatre canons, en ces temps où l'on n'avait pas l'eau courante « à la pile »(à l'évier), était le lieu de passages fréquents pour s'approvisionner en eau. Son grand bassin était commode, en allant ou en revenant des champs, pour abreuver les bêtes de somme.

Le 10 novembre 1915, elle est fleurie et décorée de drapeaux en l'honneur des soldats morts à la guerre. Une plaque inspirée de la dédicace de la fontaine indique «Hommage aux légions alliées unies pour la défense du droit et de la liberté des peuples contre les barbares ».

Entre les deux guerres, il lui arrivait assez souvent de recevoir nuitamment, un afflux de pots de fleurs. Ce n'était point là une décoration voulue, mais le jeu de jeunes gens débridés ou des conscrits, rendus gais et joyeux peut-être par quelques excès de boissons, qui regroupaient autour de la fontaine, les vases fleuris qu'ils pouvaient récupérer auprès des maisons environnantes. Le mécontentement des possesseurs de fleurs, au petit matin, était général et ils maudissaient alors cette jeunesse irresponsable et irrespectueuse…

Lors de la guerre de 1939 - 1945, le buste en bronze de la République est enlevé dans le cadre de la récupération des métaux non-ferreux.

Pendant de nombreuses années la fontaine restera amputée de sa tête.

En février 1948 un nouveau buste de la République est proposée gracieusement par la direction des arts et des lettres. C'est une sculpture en pierre, œuvre de GINIER, elle est mise en place quelques mois plus tard.

Si la fontaine est depuis plusieurs décennies, beaucoup moins sollicitée par nécessité, l'eau courante alimentant chaque maison, elle a retrouvé toute sa haute fonction symbolique et commémorative.

En juillet 1951, Jacques DUCLOS, secrétaire général du Parti Communiste Français, est venu célébrer avec le conseil municipal des Mées, lors d'une cérémonie simple, le centenaire de l'insurrection.

En septembre 1967, François MITTERAND fait une «halte symbolique» devant la fontaine.



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En partie dégradée par les intempérie, par les années, la fontaine a reçu en 1985 d'importantes restaurations afin de lui redonner toute sa solidarité et son éclat.

Le 11 janvier 1996 des élus et sympathisants socialistes du département se sont rendus autour de la fontaine, une rose rouge à la main pour honorer la mémoire de François MITTERAND qui venait de décéder.

Beaucoup d'autres personnes, connues ou inconnues, humbles ou célèbres, sont venus discrètement auprès de ce monument érigé en mémoire des hommes qui s'étaient soulevés pour ne pas perdre leurs libertés.

 

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