Les Amis des Mées
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ROCHERS ET GÉOLOGIE


Depuis les quelques 400 millions d'années des ères primaire et secondaire, la terre a subi de larges bouleversements.

Le début de l'ère tertiaire est marqué par le soulèvement pyrénéen entre moins 60 et moins 40 millions d'années. Le contrecoup de ce soulèvement forme dans notre région les grands massifs et petites chaînes montagneuses : Lure, Ventoux, Luberon, Nerthe, Etoile..., orientés est-ouest. Lors des mouvements de l'écorce terrestre, il y a une zone qui est particulièrement sensible, une fracture qui se manifeste à plusieurs reprises, c'est la faille de la Durance, " accident tectonique majeur de la Provence, sur laquelle est calé le tracé de la rivière. (1)"
(1) Cécile MIRAMONT -Morphogenèse, Activité érosive et Détritisme alluvial holocènes dans le bassin de la Moyenne-Durance. Aix.Marseille 1998.

Lors du soulèvement pyrénéen, cette fracture s'active. L'ouest s'abaisse et l'est se relève délimitant une vaste zone fluvio lacustre : le bassin de Forcalquier, qui reçoit, entre autres, les sédiments venant de la zone est. Vers moins de 15 millions d'années, les Alpes continuent leur formation. Ces puissants mouvements géologiques accentuent encore les plis est-ouest des chaînes et massifs provençaux. Il y a des compressions, des chevauchements, des fractures, des effondrements. La faille de la Durance se manifeste à nouveau. La zone occidentale se soulève tandis que la zone orientale s'enfonce formant une large dépression dans laquelle vont se déverser les eaux des ancêtres de nos rivières: Durance, Bléone, Asse, Verdon... et d'autres rivières torrentielles venant du sud du massif Estérel-Corso-Sarde. Ces rivières puissantes, alimentées par des phénomènes climatiques violents, transportent des quantités de matériaux : galets, sables, argiles, calcaires solubilisés.... qu'elles amènent dans la dépression où ils s'accumulent pour former l'énorme dépôt des conglomérats de Valensole.

Vers moins 8 millions d'années, le massif Estérel-Corso-Sarde s'effondre isolant la Corse et la Sardaigne du continent, ce qui modifie profondément le réseau hydrographique. Les rivières de Basse-Provence qui coulaient vers le plateau de Valensole, vont couler maintenant vers la Mer Méditerranée qui occupe les terres affaissées. Le remplissage va se poursuivre pendant encore 5 ou 6 millions d'années. Le vaste dépôt de Valensole est constitué de couches de galets plus ou moins grossiers selon les provenances et les courants. Ces galets sont diversement cimentés entre eux suivant les apports, les compressions.... cela délimite des couches dures et des couches plus friables. La hauteur de ces dépôts atteint 838 m vers Fourevière sur la limite de la commune des Mées et de Puirnichel (entre Guillot et les Allemands)(2) , et 1400 m sur les hauteurs de Volonne (3) Sous le poids de cette masse de matériaux, l'écorce terrestre s'enfonce, ce qui provoque des mouvements en bordure du dépôt.
(2) Sondage des Mées (1976-1977), carte géologique de la France. 943 Forcaquier Feuille 3341. BRGM 1982.
(3) Les Alpes de Provence- Géologie Régionale de Ici France. Jean GOGUEL. Paris 1953. 4 Vichel DUBAR. Les terrains quaternaires au pied des Alpes de Digne. CNRS Paris 1979.

Les couches bougent, basculent, s'affaissent, provoquant flexures et failles. L'accumulation des conglomérats de Valensole s'étale sur 10 millions d'années environ. Vers moins 3 millions d'années le comblement s'arrête.

Les rivières vont aménager leurs vallées à travers le poudingue et l'érosion pluviale, glaciaire, fluviale, va découper le relief du plateau en formant vallons et collines.

L'érosion pluviale
En terrain assez tendre, l'érosion se fait suivant la direction à peu près rectiligne de la plus forte pente, et le profil est en V qui tend à s'évaser avec le temps.
En terrain dur, compact, l'érosion se fait selon des fissures, cela donne des directions plus capricieuses et le profil est en U dont les branches s'allongent sans trop s'élargir.

Les variations climatiques lors de ces 3 millions d'années sont très importantes : alternance de glaciations et de réchauffements (Glaciations du Wurm., Riss, Mindel). Aux périodes les plus froides, le glacier dont est issue la Durance arrive jusqu'à Château-Arnoux. Le territoire des Mées est alors à la source de la Durance.

A cause de toutes ces variations climatiques, la Durance est soumise à des différences de débit considérables. Elle corrode le relief, dépose des alluvions, apporte des galets, forme sa vallée en marquant par des niveaux successifs chacun de ses passages. Ce sont les " terrasses duranciennes " les spécialistes' en notent au moins huit au sud des Mées où elles sont le plus visibles.

La Durance, qui se jetait dans la mer Méditerranée en passant par les Alpines et les collines de Vernègues, avait déposé ses galets dans la Crau, vers moins 11000 ans après des mouvements du socle, elle se tourne vers le Nord, passe entre les Alpilles et le Luberon et se jette dansle Rhône.

Mais revenons à notre accumulation de poudingue afin de voir comment, aux Mées, elle s'est singulièrement transformée en Pénitents.

Il y a environ 3 millions d'années, le comblement du bassin de Valensole, s'arrête. L'épaisseur de conglomérat accumulé est considérable. Elle est constituée de lentilles, de couches, plus ou moins bien indurées. Au niveau des Mées, en profondeur, une couche épaisse, plus de 100 mètres, longue, au moins un kilomètre, se trouve enfermée dans cette masse. Elle est particulièrement homogène et bien cimentée. La Durance qui deux ou trois kilomètres en amont reçoit le solide renfort de la Bléone, affleure le plateau. Elle se dirige selon un tracé préférentiel, favorisé par la faille Durancienne.

Durant ces milliers d'années géologiques, la Durance connaît des différences de débit énorme. Tantôt ruisseau ou source, lorsque le glacier dont elle s'écoule arrive jusqu'à Château-Arnoux, aux périodes glaciaires les plus froides. Tantôt puissante, tumultueuse, torrentielle, dévastatrice, lorsque le temps se réchauffe, que le glacier fond et que les pluies sont importantes. Elle attaque alors le poudingue, emportant de grandes quantités de matériaux qu'elle ira déposer en Basse-Provence. Elle ouvre, elle forme, elle s'enfonce dans sa vallée. Simultanément elle emporte et dépose des matériaux le long de son cours, suivant ses humeurs.

 Les terrasses de la Durance
Les terrasses aménagées par la Durance lors de ses différents passages au sud des Mées
En 3 millions d'années, elle a" mangé" le poudingue sur une épaisseur d'environ 400 mètres.
Les basses et moyennes terrasses sont plus évidentes que les hautes terrasses qui ont été
davantage travaillées par l'érosion

A chacun de ses passages puissants, elle arase le sol et crée une terrasse (voir ci-dessus ). Les eaux de ruissellement venues du plateau descendent vers la Durance, érodant les terrains. Des bassins versants se façonnent, se regroupent, pour former des vallons, tel celui de la Combe.

( ... ) " Le sol au dessous de la terre végétale, n'était qu'un amas de cailloux roulés et collés ensemble par un ciment naturel. Les paysans appellent ce genre de roches - marras " ou nougat ", maître CABRIDENS disait pudding ", il faut croire que c'est là son nom scientifique. Aux endroits où le " pudding " apparaisait, ont eÛt dit des restes de vieille maçonnerie. " ( ... )
Paul ARENE
Jean des Figues

Au cours de ces dégagements, la Durance atteint aux Mées, la couche de poudingue compact, très bien cimenté. Elle va butter contre cette partie très dure, affouiller, racler la face nord-ouest et raboter ainsi une haute façade verticale. Nous retrouvons aujourd'hui, sur l'avant de nombreux rochers cette face plane. D'autre part, lors des périodes glaciaires, le gel débite le poudingue et laisse les matériaux sur place car l'érosion pluviale est faible. Mais aux époques plus chaudes, la pluviométrie est intense, les eaux sauvages venant du plateau sont abondantes et descendent grossir la Durance. Elles emportent tous les matériaux instables qui vont s'engager dans les fissures existantes et ronger profondément le poudingue. Le vallon de la Combe bien alimenté, puissant, va entamer largement la couche dure coté sud.

DE POUDINGUE EN PÉNITENTS, 3 MILLIONS D'ANNÉES D'ÉROSION
Cliquer sur les dessins pour les agrandir
Coupe
NORD-SUD

Coupe
EST-OUEST
- 3 millions... ... ... ... + 2000 ans

Les eaux qui se dirigent préférentiellement dans le vallon de la Combe, épargnent la masse rocheuse sur sa rive droite, si bien que cette partie est moins érodée, contrairement au coté ouest où le poudingue profondément travaillé, dégage des monolithes.

De cette double érosion, latérale et verticale, résultent ces formes coniques, aux couleurs de bure, qui sont devenues des Pénitents. Pénitents qui nous semblent figés, éternels, immuables. Pourtant l'érosion continue toujours, doucement, au rythme du temps qui passe. Mais que sont quelques petits siècles de mémoire humaine en regard des dizaines de milliers d'années géologiques ? ?....

CHEMINÉES DE FÉES OU DEMOISELLES COIFFÉES
Assez souvent, on confond ou on assimile nos rochers, avec des cheminées de fées.
Si les cheminées de fées sont également produites par l'érosion, les matériaux qui les composent, leur formation, ne sont pas les mêmes. Les cheminées de fées se forment dans les anciennes moraines glaciaires lorsqu'elles sont composées de matériaux hétérogènes et poreux. Les eaux de pluies et de ruissellement emportent les parties les plus fines. Les blocs assez gros restent en relief, deviennent « chapeaux », protecteurs de la partie de terrain qu'ils recouvrent et qu'ils tassent. Les matériaux sous ces blocs ne durcissent par cette pression et aussi par les eaux contenant des minéraux dissous qui remontent par capillarité et durcissent les matériaux au contact de l'air. Ce durcissement est tel que même lorsque le « chapeau » de certaines cheminées tombe, elles ,restent droites encore très longtemps .


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